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Elizabeth Czerczuk entraine sa troupe virtuose dans les abîmes de l’« Amok »

 

Elizabeth Czerczuk entraine sa troupe virtuose dans les abîmes de l’ « Amok »

Publié le 23 avril 2024 - N° 320

 

Elizabeth Czerczuk entraine sa troupe virtuose dans les abîmes de l’ « Amok » La nouvelle création d’Elizabeth Czerczuk entraine sa troupe virtuose dans les abîmes de l’amok, emprise mentale destructrice venue d’Asie. Musiciens, danseurs et comédiens se plient à ses effets dans un bal hypnotisant qui témoigne d’une incroyable maitrise des genres. Un moment hors du temps que l’on conseille fortement.

Au TEC, un nouveau processus créatif s’invente sous les yeux du public. Avant d’être présentée dans sa forme définitive en octobre prochain, la nouvelle pièce de la metteuse en scène, Amok, prend forme. Au menu, la descente brutale et destructrice des âmes humaines vers la démence, la folie, dans une incroyable mise en scène de la brutalité du monde où chacun entraine l’autre dans sa chute. Et cela commence dès l’installation du public, invité à s’encorder pour rejoindre les gradins d’une scène à trois niveaux, accessible par un plateau incliné, plongé dans l’obscurité et animé par un orchestre (qui jouera du début à la fin de la pièce). Elizabeth Czerczuk, en maitresse des lieux attentive, veille à l’installation de son public et de ses interprètes, puisque c’est dans les rangs des gradins face à nous que les « comédiens-danseurs » débutent l’envoûtement qui durera une petite heure. L’amok, qui se définit comme une rage incontrôlable, une pulsion suicidaire, ou encore un comportement meurtrier sans discernement, se donne ici à voir dans une chorégraphie théâtralisée magistrale, s’immisce sournoisement dans les corps que les « musiciens-acteurs » dirigent, et caresse avec affront les spectateurs à travers le regard ahuri des interprètes.

 

Les profondeurs de l’âme humaine, mises à nu

Ensemble, ils composent ce que l’on pourrait appeler une bande de dégénérés, de déviants ou d’inaptes. Ambiance taverne alcoolisée, chamailles quotidiennes et passions cruelles s’incarnent dans des langues allant d’un amusant franglais à un approximatif arabe, en passant par des bribes de paroles non identifiées. Une femme pleure et implore alors que le saxophoniste descend de l’orchestre pour rejoindre la piste. Bientôt un habile déménagement nous met en garde : l’amok nous guette et nous pourrions bien prendre la place de celles et ceux qui nous font face. La transe poursuit son cheminement et la chorégraphie, qui propose de merveilleuses lignes et une grâce captivante, semble être le seul moyen de contrôler les corps. Car les esprits semblent chercher, tout de même, une issue de sortie. Ils ne la trouveront ni dans les livres, ni dans la musique, qui jusqu’au bout nous accompagne. Se libère-t-on vraiment de l’amok ?

Louise Chevillard

https://www.journal-laterrasse.fr/elizabeth-czerczuk-entraine-sa-troupe-virtuose-dans-les-abimes-de-lamok/

Elizabeth Czerczuk présente « Le Cri d’Yvona » inspiré de Witold Gombrowicz. Un théâtre original et saisissant !

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THÉÂTRE ELIZABETH CZERCZUK / D’APRÈS WITOLD GOMBROWICZ / CONCEPTION, MISE EN SCÈNE ET CHORÉGRAPHIE ELIZABETH CZERCZUK

Publié le 16 octobre 2023 - N° 314

Librement inspiré d’Yvonne, Princesse de Bourgogne, de Witold Gombrowicz, Le cri d’Yvona conçu et mis en scène par Elizabeth Czerczuk frappe par son expressivité spectaculaire qui conjugue avec science la danse, le mime et la musique. Un théâtre original et saisissant.  

 

Hors norme, le Théâtre Elizabeth Czerczuk dont le bar est peuplé de mannequins insolites préfigure d’emblée l’originalité du geste artistique de la comédienne et metteure en scène. Un geste irrigué par son attachement aux maîtres de l’avant-garde polonaise des années 1950-1970 – Tadeusz Kantor, Jerzy Grotowski, Henryk Tomaszewski –, et par l’œuvre de ses auteurs de prédilection, Stanislaw Ignacy Witkiewicz (1885-1939) et Witold Gombrowicz (1904-1969), dont Yvonne, Princesse de Bourgogne est l’une des œuvres emblématiques. La fascination d’Elizabeth Czerczuk pour la princesse martyre est selon ses mots « un fil rouge de son travail artistique », qui en 2019 fit naître Yvona, auquel elle ajoute aujourd’hui un cri pour en accentuer l’expressivité radicale. C’est en effet ici l’expressivité des situations qui impressionne, au fil d’une partition quasi sans paroles qui conjugue savamment les effets de la danse, du mime et de la musique. Comme toujours dans ce théâtre, la pièce est conçue comme une plongée immersive et onirique qui interroge le public. Le spectacle orchestre avec précision et acuité une succession de scènes qui disent les heurts et les pulsions qui surgissent dans une société gangrenée par des conventions hypocrites et des repères pervertis, qui se détournent du sort des miséreux et des êtres à la marge.

Un étonnant théâtre corporel et plastique

De petit groupes se font et se défont, figures exubérantes unis par la fête ou pantins marionnettiques soudés par une visée militaire. Vêtus de superbes costumes créés par Joanna Jasko-Sroka, les personnages sont ancrés dans des mécanismes qui accentuent la violence des relations. Un curé qui exulte, des soldats dociles, une cour fêtarde, et Yvonne, princesse, mutique, apathique et laide, qui cristallise les tensions et la haine. C’est Élisabeth qui l’incarne, dans une présence irréductible, touchante, innocente, une présence qui même entravée et moquée s’oppose à la laideur morale du monde, se fait victime expiatoire et miroir de la décadence. Élément structurant très important du spectacle, la musique galvanise la dramaturgie. La trame initiale de la pièce, avec le Prince qui se fiance à la Princesse par défi et l’introduit à la cour, n’est pas si lisible dans cette création hybride, mais peu importe. Spectaculaire et saisissant, ce théâtre corporel et plastique impeccablement modelé par les seize interprètes raconte aussi, à sa manière, l’histoire cruelle d’Yvona.

Agnès Santi

https://www.journal-laterrasse.fr/le-cri-dyvonna-concu-et-mis-en-scene-par-elizabeth-czerczuk-frappe-par-son-expressivite-spectaculaire/

« Le Cri d’Yvona » d’Elizabeth Czerczuk, dialogue avec Gombrowicz

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THÉÂTRE ELIZABETH CZERCZUK / D’APRÈS YVONNE,

PRINCESSE DE BOURGOGNE,

DE WITOLD GOMBROWICZ / MISE EN SCÈNE ET

CHORÉGRAPHIE D’ELIZABETH CZERCZUK

Fidèle à son geste artistique qui consiste en une création continue, Elizabeth Czerczuk poursuit son dialogue avec Gombrowicz et explore le mutisme d’Yvona, paria du royaume de Bourgogne…

Pourquoi ces retrouvailles avec Yvona ?

Elizabeth Czerczuk : Il ne s’agit pas d’une recréation : pour moi, la création est continue. On évolue, on apporte un nouveau souffle à chaque représentation. L’essence du spectacle vivant est de se réinventer chaque fois. A l’instar de notre corps, dont les cellules se régénèrent sans cesse, ou de notre psyché toujours mouvante, notre interprétation et notre vision du spectacle fluctuent. En 2019, j’avais pris pour titre Yvona. J’y ajoute aujourd’hui la mention de son cri, comme un symbole d’une radicalité et d’une expressivité accrues. La princesse martyre est depuis des années le fil rouge de mon travail artistique. J’ai joué ce rôle dès mon spectacle de fin d’études en Pologne ; j’ai travaillé la pièce avec les élèves de l’école du Théâtre de Chaillot ; je l’ai reprise après avoir créé le Théâtre Laboratoire, puis en 2019, et enfin aujourd’hui.

« LA PRINCESSE MARTYRE EST DEPUIS DES ANNÉES LE FIL ROUGE DE MON TRAVAIL ARTISTIQUE. »

Pourquoi une telle fidélité ?

E. C. : Parce que le mutisme d’Yvona m’a toujours interrogée. Gombrowicz considère que tout ce qui n’est pas domestiqué et ordonné est indicible et condamné au mutisme. Ce mutisme me fascine et je lui cherche la forme la plus adéquate. Non seulement par la gestuelle, mais aussi par le verbe, lequel ne passe pas forcément par la parole : sous la torture des conventions et des quolibets, le cri de la victime effrayée est aussi celui d’un être qui cherche à naître. Chez Gombrowicz, Yvona se distingue des autres princesses par sa rébellion. En l’exhibant devant la cour tel un miroir, le prince l’expose à la haine de ceux dont elle devient le reflet : le monde ainsi déstabilisé ne peut que chercher à l’anéantir. Sans pour autant m’opposer à mon aîné, je trouve dans l’attitude de notre commune héroïne un matériau dramatique digne d’être sculpté, ciselé, pour aboutir à une forme radicale susceptible de rendre évident le sens emprisonné dans le silence d’Yvona.

Que se passe-t-il d’autre au T.E.C. ?

E. C. : Nous préparons la troisième édition du festival des Formes Radicales, qui aura lieu du 7 au 10 décembre, avec le concours d’artistes de toutes les disciplines (danse, théâtre, arts plastiques, etc.) à des installations, des spectacles et des concerts. Le festival commence le 7 décembre avec Amok, librement inspiré d’Antonin Artaud, étape initiale d’un nouveau processus de création dont la grande première aura lieu au printemps 2024. Nous reprenons aussi en novembre prochain Aujourd’hui, c’est mon anniversaire, spectacle monté d’après la dernière partition de Tadeusz Kantor. Et nous continuons évidemment les classes de maître, dans le cadre du Laboratoire d’Expression Théâtrale. Sans parler d’un hommage à Sarah Bernhardt, pour le centenaire de son décès.

Propos recueillis par Catherine Robert

Interview exclusive d’Elizabeth Czerczuk

Elizabeth Czerczuk – TEC ©Woytek Konarzewski

Elizabeth Czerczuk, comédienne, metteure en scène, directrice de théâtre, docteure en art dramatique, est une des plus illustres représentantes de la culture polonaise en France. Elle vient de recevoir le prix de la culture 2021, remis par l’ambassadeur de Pologne. Au sein des institutions qu’elle a côtoyées lors de ses années de formation, les conservatoires nationaux supérieurs d’art dramatique à Cracovie, où elle a pu plonger dans l’univers de Tadeusz Kantor, à Paris, où elle a collaboré entre autres avec Daniel Mesguich, elle joua les œuvres des grands personnages qui ont révolutionné le théâtre au XXe siècle. Dans la lignée des Gombrowicz, Witkiewicz et Grotowski, mais aussi inspirée par le mime Marcel Marceau et la chorégraphe Karine Saporta, elle en convoque aujourd’hui les mânes dans nombre de ses propres créations au TEC (Théâtre Elizabeth Czerczuk). Ses pièces – expressions d’art total – sont des révélations secouantes et électriques, à la beauté convulsive.

Le TEC est à la fois une salle de spectacle et une école de théâtre, consacrées à la création contemporaine et à la recherche théâtrale. Situé rue Marsoulan, toute proche de la place de la Nation, le TEC est aussi un lieu de résidence pour les auteurs, les compagnies invitées, un centre de conférences et un lieu d’expositions d’œuvres d’art. Elizabeth Czerczuk tient au travail protéiforme de son théâtre et à son usage multifonctionnel.

Petit bureau sombre derrière le foyer. Meublée de noir, cette pièce toute monacale est à peine égayée par deux tableaux abstraits. Contraste tout de sobriété avec le reste du théâtre, constellé d’éclats de rouge, de rose. Les mannequins de vitrine de confection portant loups et bas résille y semblent à chaque angle de couloir vous inviter à avancer plus loin dans le libertin et le déconcertant. L’interview qu’Elizabeth Czerczuk nous a accordée tombe à pic pour enrichir le dossier programmé pour février prochain : « L’art peut-il sauver le monde ? » Il nous faut respecter les distances physiques – et non pas sociales, quelle bêtise que la notion de « distanciation sociale » !… – Elizabeth Czerczuk me désigne un fauteuil tapissé au point de croix d’un moderne-chic décor baroque et s’assied derrière son bureau faiblement éclairé. Nous pouvons commencer.

Rebelle(s) – Vous semblez dans vos œuvres vouloir exprimer par le corps ce que vous pourriez avoir plus de mal à dire, du fait de la difficulté de passer d’une pensée à l’autre, d’une langue à l’autre.

Elizabeth Czerczuk – Il est certain que la langue polonaise est plus aisée pour moi, et que la résurgence des sources de l’émotion, la forme pour les exprimer me viennent plus spontanément au travers des corps. Mon expression verbale est chaotique. Cependant, je n’incrimine pas seulement le fait d’être polonaise et d’essayer de mieux maîtriser le Français. Ou de m’ouvrir à l’autre culture, à la façon d’être. C’est très complexe. Gombrowicz, qui a laissé un héritage dramaturgique considérable, est mort ici en France (Elizabeth Czerczuk a adapté en 2017 une de ses pièces emblématiques : Yvonne, Princesse de Bourgogne). Il écrivait dans son journal qu’il est impossible, à travers quelque expression que ce soit, de transmettre tout ce qui est en nous. Il était dans la richesse de la forme. Moi aussi, je cherche la forme. Comment peut-on transmettre aux spectateurs, comment communiquer ?

Gombrowicz constatait qu’il n’est pas possible de trouver une forme pour la vie intérieure. Or nous sommes dans la société de la forme. Dans les convenances, les règlements, la technologie ; tout nous met dans la forme, nous y pousse. Par contre, notre être – ce qui nous constitue – n’a pas de forme. Il est tellement difficile de sortir quelque chose de nous qui ait une forme. Ce qui est déjà en forme est une hypocrisie. Le personnage d’Yvonne n’a pas de forme. Comme d’ailleurs Albertine (ndlr : personnage d’une autre pièce de Gombrowicz : Opérette). Est laissé au metteur en scène ou au lecteur le soin de donner une forme au personnage.

Rebelle(s) – La société est pleine de diktats formels. Avec ses conventions, elle nous empêche de TOUT exprimer. Cette forme dont vous parlez n’est-elle pas un autre nom pour la vérité, ce que le théâtre, justement, permet de réaliser ?

EC – Oui, absolument ! On veut transmettre sa vérité. On en cherche la forme. C’est le problème. Aujourd’hui, dans l’univers de l’art, s’exprime un groupe de « scandalistes ». Ce sont des metteurs en scène d’art « brut ». Par exemple, dans la catégorie « Sujets à vif » du Festival d’Avignon, qui promeut de jeunes artistes chorégraphes et danseurs, sont présentés des spectacles à la recherche d’une nouvelle forme. Je constate que certains de ces artistes sont plutôt des performeurs proposant une vérité brute qui leur est propre. La question est : la vérité brute existe-t-elle ? Qu’est-ce d’ailleurs que la vérité ?

Rebelle(s) – Sa propre vérité n’est pas celle de l’autre. Qui plus est, la vérité brute n’est pas articulée. Si c’est un cri, ne manquerait-il pas un langage qui est bien une expression formalisatrice, donc par essence réductrice ?

EC – C’est en partie cela (je sens une hésitation chez Elizabeth Czerczuk). Mais il faut une vérité, quelque chose qui peut toucher autrui ! Si l’on ment, on n’y arrive pas. Les mensonges ne touchent jamais. Il faut chercher. Chez les « scandalistes », les cris, le sang qui coule, le corps brutalisé résultent de cette recherche. Le corps devient un objet. Pas d’esthétique mais une sensibilité violente…

Rebelle(s) – Au-delà de la recherche, de l’expérimentation apportée par l’art brut qui repousse des limites, ne faut-il pas arriver à des contraintes choisies ?

Yvona -Théâtre Elizabeth Czerczuk ©Woytek Konarzewski

EC – Je suis d’accord avec cette philosophie. Pour moi, l’art est contemplation et construction. Transmettre une forme – même imparfaite – qui peut toucher, qui peut provoquer l’émotion chez le spectateur. Et la vérité, ce n’est pas seulement quelque chose de cru mais aussi tout ce qui se passe autour. C’est une ambiance. La métaphore du poisson dans l’aquarium montre que, si on en retire le poisson, il meurt. La mort, ce n’est pas la vérité du poisson. La vérité c’est le tout, le poisson et le contenu de l’aquarium. Autre façon de l’exprimer : une vérité, c’est ce qu’on voit, mais aussi et en même temps ce qu’on ne voit pas. Or on ne respecte pas ce qu’on ne voit pas. Il s’agit donc bien de chercher une forme à ce qu’on ne voit pas.

Rebelle(s) – Ce qu’on voit est fini, alors que ce qu’on ne voit pas est infini…

EC – Exactement ! Tout dépend alors de ce que reçoit le spectateur, de sa vérité à lui. Ma recherche théâtrale est une catharsis afin d’apporter un nouveau souffle. Dans la Poétique d’Aristote, il est question de mimésis. Mais il ne s’agit pas d’une imitation. Il s’agit de transmettre afin de pouvoir contempler.

J’ai eu la chance de vivre à Cracovie et à Wroclaw, grandes villes de création théâtrale. Au théâtre, la nuit, se tenaient des ateliers laboratoires. S’y déroulaient des expérimentations, des sortes de processus dramaturgiques comme le cycle « L’arbre de la vie ». Grotowski plongeait dans les archétypes, dans les mythes, pour toucher le subconscient du spectateur. Il a cherché toute sa vie. Il n’a créé lui-même que quatre œuvres. Ses collaborateurs ont fait connaître son travail et ont rapporté que le public était souvent choqué par les spectacles.

Sa démarche est devenue une source pour d’autres créateurs. Et c’est toujours une eau difficile à servir à notre époque.

Rebelle(s) – Qu’est-ce qui est aujourd’hui encore utilisé de ce théâtre inventé en Pologne dans les années 50 à 80 ?

EC – Tout ce qui relève du théâtre total, du comédien intégral. L’aspect physique du travail sur scène. Antonin Artaud avait commencé la révolution avec son « théâtre de la cruauté ». Grotowski (1) a continué avec le travail corporel du comédien. Déjà Artaud voulait choquer le public. Il agressait, surprenait le spectateur. Grotowski, lui, modèle l’acteur ; il l’incite à plonger en lui-même, à y rechercher ce qu’il a de sacré. Ne pas avoir peur de dévoiler ses faiblesses, si bien cachées, si bien enfouies. Cet inaccessible, Grotowski oblige à le retrouver et à le mettre au jour, en perturbant le comédien.

Le Russe Constantin Stanislavski demandait à l’acteur de retrouver les émotions puissantes de sa propre enfance afin de permettre au spectateur de croire à son personnage. L’appel à la mémoire du vécu comme outil de construction du personnage. Grotowski, lui, va chercher les archétypes comme Jung.

Rebelle(s) – Que recherchez-vous dans votre théâtre ? Comment procédez-vous ?

EC – Je recherche, à travers la vérité intérieure des artistes, comment susciter la catharsis. Beaucoup de personnages, d’images de mes spectacles prennent source dans des archétypes, entre autres, bibliques. Je me dirige avec l’intuition. Le public cherche souvent la légèreté, le divertissement. Ce n’est pas le cas de mes spectacles. Même si vous avez ressenti le dernier d’entre eux – Dementia Tremens – via la seule beauté plastique ou musicale, il y a néanmoins plusieurs couches et on peut y accéder autrement.

Rebelle(s) – Et le texte ?

EC – Le texte n’est pas tout le théâtre. Il y a aussi la lumière qui donne l’esprit ; la musique qui appuie le rythme intérieur des personnages ; le costume qui manipule et donne la forme du corps caché, provoque une démarche, une autre façon d’être. Le texte pour moi est une expérience éminemment personnelle. Quand je lis Racine dans mon coin, cela évoque des images et je n’ai pas besoin qu’on m’en impose. Par contre, quand je vais au théâtre, je veux qu’on me déstabilise, qu’on touche mes sens. Pas seulement les oreilles et les yeux, mais tous les sens. J’insiste là-dessus. Il ne suffit pas d’enfiler un costume ou de mettre une couronne d’épines pour devenir l’archétype de Jésus-Christ…

Rebelle(s) – La société est traversée par la peur, les médias distillent la peur. Le théâtre peut-il la combattre ?

EC – Le théâtre que je souhaite est le contraire de la peur. C’est donner l’espoir, faire prendre conscience que le soleil brille, qu’il y a la beauté. D’un côté, je comprends la démarche des « scandalistes » car c’est une démarche d’artistes. C’est une révolte pour autrui, pour l’Homme qui est angoissé, confronté aux psychoses omniprésentes. Mais si on ne donne à voir que des scènes de brutalité, on reste dans la nuit.

Or je suis assoiffée de lumière. Comme Platon, la beauté et la vérité ensemble. Les philosophes esthètes m’inspirent. Par exemple, le Français Eugène Véron ou l’Italien Benedetto Croce. Je suis convaincue que le spectateur est victime d’une « moutonisation » de la société et de son cortège de convenances. « Moutonisation », c’est le mot de Witkiewicz dès les années 30. Il était très lucide, il nous parlait de ce qui est aujourd’hui en jeu. C’est très difficile de sortir tout le monde – spectateurs comme comédiens – du cadre, de cet enfermement qui nous pousse vers le « trou ». On peut se perdre dans les drogues. Notre rôle d’artiste est de purifier les émotions à travers l’art.

Rebelle(s) – Quels sont vos rapports avec les autres metteurs en scène ?

EC – J’ai en fait très peu de temps pour analyser les créations des autres. Mon esthétique est différente mais certains contemporains m’intéressent. En tant que créatrice, j’ai trouvé beaucoup de valeur dans le travail chorégraphique et dramaturgique de Jan Fabre qui a bouleversé le Théâtre de la Ville. Également dans celui de Romeo Castellucci qui donne souvent ses spectacles à Avignon et dont j’admire la force, la détermination dans la recherche scénographique et intellectuelle.

Je suis pour ma part d’autres chemins. Par exemple, j’exprime mon univers au travers du corps des danseurs et ça me bouleverse.

Je suis intéressée par le travail des autres dramaturges mais ne crois pas à la mise en scène collective, à la discussion pour créer un spectacle. Je suis totalement obsédée par mon travail avec mes artistes ; je suis très investie, très têtue pour obtenir ce que je désire.

Rebelle(s) – D’où est venue votre vocation théâtrale ?

EC – Je pensais tout d’abord devenir médecin. Ma famille comptait que je fasse des études ; étant bonne élève, cela allait de soi. Mon père m’a offert un crâne afin que j’apprenne l’anatomie. J’ai compris que je préférais faire du théâtre, devenir médecin de l’âme. Ce crâne a alors éveillé en moi l’archétype de Salomé ! En cachette, je suis partie de Wroclaw, ma ville natale, pour Cracovie avec le Monologue de Salomé dans la poche (ndlr – pièce d’Oscar Wilde) afin de tenter le concours d’entrée au Conservatoire. Il y avait mille candidats… et quatre places pour les filles, six pour les garçons. J’ai réussi. Seule ma grand-mère était au courant. Avec elle, enfant, je regardais Daniel Mesguich jouer Napoléon à la télévision !

Elizabeth Czerczuk et le crâne – Salomé – festival Euroscène –
Opéra de Leipzig ©Eilzabeth Czerczuk

Je voulais m’éloigner de la Pologne, franchir les frontières pour découvrir d’autres méthodes de travail. Paris était le centre de la culture, on ne pouvait trouver mieux. J’ai passé un concours pour obtenir une bourse du gouvernement français et je suis devenue stagiaire au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, où j’ai bien sûr choisi Daniel Mesguich comme professeur ! J’ai découvert l’école de Marcel Marceau, ensuite j’ai travaillé avec Karine Saporta à Oslo, puis au Théâtre de la Ville. Avec tout le temps un pied en France, un pied en Pologne. Et toujours avide de nouvelles techniques : le mime, les techniques d’Etienne Decroux…

Rebelle(s) – Le crâne, c’est Hamlet. Et vous faites du théâtre, c’est une image magnifique !

EC – Oui, d’une représentation de la mort à la médecine de l’âme… Comment purifier nos émotions aujourd’hui ? Passer des angoisses, des peurs à une libération.

Rebelle(s) – Qu’est-ce que ça induit, d’être polonaise en France ?

EC – Le lien avec la France est puissant. L’acte de résurrection de la Pologne a été signé en 1919 avec le traité de Versailles… Beaucoup d’écrivains, d’artistes polonais – les grands romantiques – ont vécu en France au XIXe siècle alors que la Pologne en tant qu’État n’existait plus. Une romantique comme moi ne peut être indifférente à cela. La Pologne est plus une âme qu’une terre. Il est difficile de dire « on est Polonais, on est Français, etc. » Mon cœur de Polonaise est au service de la culture sans frontières.

Pour ce qui est de la technique structurale de l’art théâtral, je l’ai surtout apprise en France. En Pologne, ce qui était cultivé est ce dont nous avons parlé au début, le système Stanislavski, l’émotion. Par contre, pour la technique, les styles corporels, je m’en suis imprégnée principalement en France. Ma pratique repose sur le mélange de tous ces éléments.

A Paris, l’accueil des étrangers est sans égal. Je peux y profiter de la culture non seulement française mais aussi d’autres pays. Comme Pina Bausch ou Caroline Carlson au Théâtre de la Ville. Les lieux de création sont souvent dirigés par des étrangers. Cette ouverture fait de Paris un centre de la culture, à l’échelle européenne et même mondiale.

Interview par Éric Desordre

1- Jerzy Grotowski, grand réformateur du théâtre : « Le théâtre doit reconnaître ses propres limites. S’il ne peut pas être plus riche que le cinéma, qu’il soit pauvre. S’il ne peut être aussi prodigue que la télévision, qu’il soit ascétique. Il n’y a qu’un seul élément que le cinéma et la télévision ne peuvent voler au théâtre : c’est la proximité de l’organisme vivant. Il est donc nécessaire d’abolir la distance entre l’acteur et le public, en éliminant la scène, en détruisant toutes les frontières. Que les scènes les plus âpres se produisent en face à face avec le spectateur et que celui-ci soit à la portée de la main de l’acteur, qu’il sente sa respiration et sa sueur. » (Vers un théâtre pauvre.)

Prochaines dates pour le spectacle Dementia Tremens :

jeudi 3 février à 20h

samedi 5 février à 20h

dimanche 13 février à 16h

samedi 19 février à 20h

samedi 12 mars à 20h

jeudi 17 mars à 20h

samedi 19 mars à 20h

dimanche 27 mars à 16h

Vidéo de Dementia Tremens :

https://youtu.be/4nO4weSmfHk

Reportage de la télévision polonaise :

https://polonia.tvp.pl/58031129/thtre-elizabeth-czerczuk-polska-sztuka-w-paryzu-tylko-online

Dementia Tremens, une pièce d’Elizabeth Czerczuk

rebelles1Voyage en catharsis – Attention, ça déménage !

Le théâtre de la metteuse en scène et comédienne Elizabeth Czerczuk est situé dans une petite rue tranquille du 12ème arrondissement, à deux pas de la Nation. C’est un lieu assez mystérieux, agrémenté d’un jardin au calme de cloître. Des tables surmontées de lanternes y accueillent les spectateurs avant la représentation. Le grotesque d’un savant agencement de caisses pleines de bébés en plastique intrigue. Posant le long des couloirs, des mannequins de sex-shop jalonnent les déambulations de visiteurs décontenancés.

Nous sommes appelés par les premières notes d’accordéon annonçant le début de la représentation. Après avoir laissé, donnant sur le jardin, un bar de discothèque chic où l’on se dit qu’on y passera bien volontiers la fin de soirée, nous descendons un escalier qui nous mène au cœur du théâtre tout peint de noir. Nous sommes guidés par les comédiens afin de trouver le chemin jusqu’à nos places. C’est la nuit.

 En un défilé de robots à la démarche saccadée, la quinzaine de comédiens entre sur scène et chacun s’installe dans une salle de classe, s’assied derrière sa table, comme le fait tous les jours le bon élève au visage figé en un sourire dément.

La plupart portent une élégante camisole de force de coton gris, avec de larges œilletons en acier chromé, pour laisser passer les liens. Certains se distinguent par une mise spécifique : telle est une nonne à cagoule de lutteur mexicain ; telle (tel ?) autre, une infirmière portant cornette et porte-jarretelle. Échantillons de garde-robe que n’aurait pas reniée Fellini pour son défilé de mode ecclésiastique dans Roma. Une gracile travailleuse du sexe extraite d’une vitrine d’Amsterdam presse de ses mains des simulacres de seins énormes tout en poussant des cris étonnés. Un homme-chien au collier en forme de cône de plastique jappe de contentement. On s’attend à ce qu’il aille pisser au pied d’un des arbres nus parsemant le décor. Sûr qu’on ne va pas s’ennuyer.

Déboule sur scène une blonde éthérée en habit de bergère échappée d’une partie de campagne aux jardins d’Armide. Dans un bruit de tondeuse à gazon dont même mon voisin n’oserait pas rêver pour égayer nos dimanches matin, elle pousse un landau où l’on devine un poupon ou un petit animal. Prise tendrement dans les bras de la bergère, la peluche vintage s’avèrera avoir des pouvoirs de fascination et de mobilisation sur la petite classe.

Accrochez vos ceintures. Une heure durant, c’est une succession de poses catatoniques et de tremblements de machine à laver sur programme essorage. En une suite de tableaux hypnotiques, le malaise monte dans une mobilisation nerveuse puis s’évanouit régulièrement grâce à l’humour et l’explosion d’énergie libératrice.

Les jouets mécaniques cassés se succèdent à un rythme qui ne faiblit pas tout au long du spectacle. Après la petite classe éructante, on croisera un ballet de poules en folie, une magnifique descente de croix sur la musique métaphysique de Jean-Sébastien Bach. Très gros travail sur la bande son. Sur les airs de Bella Ciao et de I Wanna Be Your Dog, la troupe danse le ballet des Djinns sur le Mont Chauve. Vers la fin, plein à craquer, le dance floor des enfers accueille les succubes en plein délire sur fond de musique techno.

On songe au cinéma halluciné de Shock Corridor. Folies technoïdes en flashs stroboscopiques : on ne peut non plus s’empêcher d’évoquer certaines pages de l’Incal de Jodorowski. Il n’est pas aisé de raconter l’histoire – y en a-t-il seulement une ? Le titre Dementia Tremens est parfaitement honnête. On est chez les fous. On est chez nous.

Les danseurs et danseuses sont luisants d’effort. Les instants de grâce des corps qui se frôlent, se portent, se repoussent et se lient à nouveau fascinent sous les lumières de boîte de nuit. C’est le Tanztheater au Studio 54. Toutefois l’on est bien au théâtre et non pas sur la scène de Wuppertal. L’appel à la danse comme outil d’expression fluide contrebalance la sècheresse voulue de la parole ramenée au cri, réduite la plupart du temps à l’expression de l’effroi ou de l’étonnement. Ça renifle, ça aboie, ça couine, ça caquète. On pense à Cioran, « On ne peut savoir si l’homme se servira longtemps encore de la parole ou s’il recouvrera petit à petit l’usage du hurlement ». Faut-il pour autant se laisser influencer par la noirceur magnifique du tableau de la folie humaine et les ténèbres dans lesquelles estrade et scène sont plongées ?

Catharsis collective, l’œuvre est un poème convulsif. À Éleusis de grands cris marquaient la révélation du mystère. Ne nous arrêtons donc pas au tragique constat que Macbeth nous jette à la figure : « La vie… c’est une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien »  – car Elizabeth Czerczuk nous aura ce soir secoués et ravis, faisant sienne pour le plus grand bonheur de ses comédiens et des spectateurs la conclusion du Songe d’une nuit d’été : « Les amoureux et les fous ont la cervelle si effervescente, la fantaisie si inventive qu’ils conçoivent beaucoup plus de choses que la froide raison n’en peut comprendre. »

Si vous vous lassez des soirées mousse et souhaitez changer pour une petite secousse, courez voir, écouter, ressentir l’époustouflant Dementia Tremens.

Le spectacle est programmé jusqu’à mi-décembre.

Éric Desordre

Au TEC – Théâtre Elizabeth Czerczuk – 20 rue Marsoulan, 75012 Paris, du 21 octobre au 18 décembre.

https://www.theatreelizabethczerczuk.fr/

Par mail à l’adresse Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Par téléphone au 01 84 83 08 80 (de 10h à 13h et de 14h à 18h)

Dementia tremens, d’après Le Fou et la Nonne de Stanislas Witkiewicz, adaptation et mise en scène Elizabeth Czerczuk

T.E.C - THÉÂTRE ELIZABETH CZERCZUK / D’APRÈS LE FOU ET LA NONNE DE STANISLAS WITKIEWICZ / ADAPTATION ET MISE EN SCÈNE ELIZABETH CZERCZUK

Publié le 24 novembre 2021 - N° 294

la tarrase

Le nouveau spectacle-performance immersif de l’artiste totale qu’est Elisabeth Czerczuk approfondit l’exploration théâtrale entamée avec Requiem pour les artistes et Dementia Praecox 2.0, pièce déjà très librement inspirée du Fou et la Nonne de Witkiewicz. Une expérience psychédélique, cathartique, comme, seul le T.E.C peut en donner à vivre.

Comment mettre des mots sur ce à quoi on assiste quand tout est pensé pour qu’en revenant de l’immersion radicale à laquelle nous avons été conviés, nous en restions bouche bée ? Dans une quête de « la forme pure » empruntée au dramaturge Witkiewicz, les créations de la metteure en scène, danseuse et comédienne, chorégraphe et pédagogue, ambitionnent de laisser sans voix et sans parole. Formée dans le sérail polonais de l’une des références mythiques du théâtre contemporain, Tadeusz Kantor, inspirée par le concept de théâtre total défendu par Grotowski et Artaud, avouant une prédilection philosophique pour la phénoménologie de Merleau-Ponty et la psychologie des profondeurs de Carl Gustav Jung, Elisabeth Czerczuk revendique un nouveau langage hybride, vocal, gestuel et dramatique. Abreuvée à ses sources – et d’autres encore, laissées à la liberté du spectateur, destiné, dans ce savant dédale, à perdre plus que son latin – Dementia tremens pousse d’un cran encore la démarche artistique iconoclaste qui est la sienne. La création, pulvérisant le quatrième mur, se fait réellement immersion avec pour ambition de libérer celui que nous abritons tous. En termes jodorowskiens, « cet être essentiel pris dans une cage psychique construite par le regard des autres » 

 Une transe esthétique

Dès le seuil franchi, le T.E.C plante un décor surréaliste – osons dadaïste – léché, tenant d’un cabinet de curiosités fantasmatique dont Dementia tremens profite à plein. C’est au bar du théâtre que les dix-sept protagonistes, cohorte trébuchante d’un romantisme échevelé, bande d’aliénés tragiques et grotesques vêtus de costumes d’inspiration gothique signés par Johanna Jasko Sroka, font leur entrée. Fous parmi les fous, les spectateurs pris individuellement par le bras rejoignent le cortège délirant pour se diriger vers le plateau où, installés dans une proximité scénique déroutante, ils sont appelés à être affranchis. Les tableaux absurdes, symboliques, s’enchaînent, scènes de folie comme spontanément surgies des chefs-d’œuvre de la Renaissance flamande, jouées, dansées, chantées, ponctuées par les apparitions hallucinatoires d’Elisabeth Czerczuk elle-même. La bande son d’un éclectisme inédit, qui fait la part belle à la musique en live, sature l’espace, organise la transe esthétique de ce spectacle total, psychédélique, auquel le texte ne sert que de matériau porté, avant tout, par le corps des comédiens eux-mêmes.

 Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens

Yvona d’après Witold Gombrowicz mis en scène par Elizabeth Czerczuk

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Consacrée à l’écrivain polonais Witold Gombrowicz, la première édition du Festival des Formes Radicales aura lieu du 17 au 20 octobre, au Théâtre Elizabeth Czerczuk (T. E. C.) à Paris. En ouverture de ce nouveau rendez-vous de l’expérimentation théâtrale, la directrice du T. E. C. crée Yvona, un spectacle librement inspiré d’Yvonne, Princesse de Bourgogne.

Pouvez-vous revenir sur le projet artistique que vous défendez, depuis maintenant deux ans, au sein de votre théâtre  ?

Elizabeth Czerczuk : Le T. E. C. est un lieu que j’ai voulu à part, un lieu ouvert et totalement modulable, en dehors des codes et du temps, au sein duquel prend corps un art théâtral total, c’est-à-dire un art de recherche mêlant divers domaines de la création : la peinture, la musique, le chant, la chorégraphie, la scénographie… Cela, à travers des formes toujours singulières, qui instaurent une relation forte et active avec les spectateurs, une relation leur permettant de convoquer en eux une puissance vitale et créatrice. J’aimerais que les expériences qu’ils vivent lors de ces propositions théâtrales et chorégraphiées les aident à poursuivre leur existence une fois sortis du théâtre, qu’elles leur donnent un nouveau souffle. Comme si le théâtre pouvait être une forme de purification.

Pourquoi avez-vous choisi de consacrer la première édition du Festival des Formes Radicales à Witold Gombrowicz ?

E.C.: Parce que son écriture est l’une de mes grandes sources d’inspiration. Witold Gombrowicz n’a cessé, durant sa vie, de dénoncer les formes aliénantes : son œuvre entière se lit comme une injonction à la création de formes singulières. L’idée de ce Festival des Formes Radicales est d’ouvrir les portes de notre lieu à des artistes qui, comme moi, s’expriment à travers des créations en dehors des règles et des conventions. Des créations radicales et immersives qui résistent, comme le disait Witkiewicz, à la « moutonnisation définitive ».

« DES CRÉATIONS RADICALES ET IMMERSIVES QUI RÉSISTENT, COMME LE DISAIT WITKIEWICZ, À LA « MOUTONNISATION DÉFINITIVE. »

Dans Yvona, quelle lumière portez-vous sur Yvonne, Princesse de Bourgogne ?

E.C.: Mon spectacle s’inspire librement d’Yvonne, Princesse de Bourgogne, mais aussi d’une autre pièce de Gombrowicz, Opérette, ainsi que de son Journal. Pour moi, Yvonne n’est pas une femme faible, laide, molle, comme elle est souvent présentée sur scène, mais un être qui incarne la force de la dénonciation, de la provocation, de la révolte. Elle représente une vie authentique, des sensations profondes et, d’une certaine manière, une sorte de folie cachée en nous qui voudrait nous délivrer des schématismes sociaux. Yvonne souhaite non seulement briser, par sa candeur, la structure pétrifiée des réflexes humains, mais elle tente aussi de s’opposer à la domination absolue de la supercherie, de la perversité et de l’hypocrisie du monde. Sa personnalité contient un élément irrévocable, quasi-mystique, voire religieux.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

Yvona : du rêve et du gâteau

Je sors de la première d'"Yvona", où je m'étais précipité, non par amour débordant de Gombrowicz, encore moins par goût pour sa pièce inexistante "Yvonne, princesse de Bourgogne", mais pour voir à quelle sauce Elizabeth Czerczuk, géniale cuisinière, avait assaisonné une oeuvre qui me laisse froid. Car, chez cette metteure en scène, tout est dans la sauce ! Une sauce succulente et capiteuse qui vous ferait aimer le moins ragoûtant des mets. Qu'elle touche à Witkiewicz, à Gombrowicz ou à n'importe quel autre, le plat qui sort du four ne ressemble à nul autre et vous fait trouver fade toute la gastronomie mondiale. Son "Yvona" ? Du gâteau. Un gâteau dont on peut reprendre à volonté, sans risque d'indigestion. Et du rêve. Un rêve qui n'en finit pas, pour une fois, un rêve non frustrant, un rêve dans lequel on s'installe, par lequel on oublie le monde extérieur, et dont on se réveille à la fin tout imprégné d'une lumière, d'une sonorité, d'une chorégraphie à la beauté sauvage, servie par une troupe de danseurs à la gestuelle onirique et inquiétante. Il faut bien cela, car, côté texte, on reste sur sa faim : les éructations des comédiens, le plus souvent inaudibles, ne permettent pas de saisir une intrigue, une trame, une histoire. Peu importe : comme dans les plus beaux rêves, ce qui compte, c'est de jouir de l'instant, de l'ambiance, toujours unique dans ce théâtre où règne la surprise. On comprendra plus tard, ou jamais. On se souviendra surtout du martyre d'Yvona l'inadaptée, la mal dégrossie, ballottée, tel un taureau de corrida, au milieu d'une cour royale perverse et cruelle. Bien sûr, Elizabeth Czerczuk, dans le rôle-titre, joue de sa sublime beauté, une beauté intrinsèque aussi bien que scénique, mais est-ce coupable, et s'en plaindra-t-on ? Un bémol, toutefois, à ces louanges : le recours un peu facile, heureusement éphémère, au "Requiem" de Mozart, ce sucre qui adoucirait le plus aigre des aliments... Le reste de la musique est aussi puissant qu'original, tout comme les éclairages et la chorégraphie. En somme, du grand, du très grand spectacle, où l'on ne comprend pas grand-chose mais où l'on vibre jusqu'au tréfonds. Une fois de plus, le Théâtre Elizabeth Czerczuk fait la démonstration de son incommensurable puissance créatrice.
 

Les Inassouvis ou l’exubérance cathartique du théâtre d’Elizabeth Czerczuk

 
 
C’est un spectacle énigmatique de toute beauté, parcouru par le souffle de l’âme slave, les fantômes du théâtre de Kantor et la folie de Witkiewicz qui se joue actuellement au tout nouveau Théâtre Elizabeth Czerczuk. 
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 Les Inassouvis, 2018. Tous droits réservés.
 
 
C’est une curiosité tenace qui nous a poussé à enfin passer les portes du Théâtre Elizabeth Czerczuk, un an après son ouverture, un froid soir de novembre, pour découvrir, non seulement le lieu, nouveau venu dans le paysage théâtral de l’est parisien, son ambiance particulière, son accueil hors du commun, mais également la création du moment, sortie du cerveau bouillonnant de sa directrice, “Les Inassouvis”. Soit 3h30 d’un théâtre visuel et chorégraphique qui emporte le spectateur dans son tourbillon d’images venues d’ailleurs, enveloppe de son lyrisme ténébreux, sans que la durée ne soit un problème, au contraire, surtout quand une généreuse soupe chaude nous est servie lors du deuxième entracte, accompagnée d’un verre de vin, dans le bar spectral du théâtre. Car ici, tout est envoûtement et à peine pénètre-t-on l’entrée de cet antre dédié à un théâtre nourri de racines slaves, renouant avec Kantor, Grotowski et Witkiewicz qu’on est happé par la présence invisible de la maîtresse de maison, Elizabeth Czerczuk, qui irradie le moindre détail scénographique de ce manoir hanté où l’hospitalité est un art. Mannequins déglingués, bougeoirs allumés, obscurité de mise, fruits en libre service, jardin d’hiver, belle exposition temporaire de photographies de Guy Delahaye, le lieu déconnecte illico du quotidien, nous entraîne au pays des songes et des fantasmes, des cauchemars cathartiques, des fêtes ésotériques et secrètes. De même, le spectacle est une invitation à passer de l’autre côté du miroir, dans la continuité directe de la philosophie de la maison qui l’abrite. Les comédiens viennent nous chercher eux-mêmes, nous prennent par la main au sens propre du terme, pour ne plus nous lâcher, tant la représentation privilégie le rapport de proximité au public, son inclusion même.
 
Conçu en tableaux successifs où l’image prime sur le sens et la sensation sur la compréhension, “Les Inassouvis” nous plonge tête la première dans un univers expressionniste et crépusculaire nappé de musiques excessives et envahissantes qui nous prennent aux tripes. Violons et accordéons s’y  donnent la réplique avec passion, impétueux, exaltés jusqu’à la moelle, au service de cette fresque chorale torturée et névrotique où les femmes ont la part belle et le rendent bien tant elles sont magnétiques. Treize interprètes, dont Elizabeth Czerczuk elle-même, se partagent le plateau, diffracté en différentes zones de jeu, sans arrêt bouleversées par des reconfigurations de l’espace provocantes et dynamiques. Le public, plusieurs fois déplacé au cours de la représentation, invité à danser sur scène, n’a pas d’autre choix que d’être partie prenante mais sa sollicitation est faite avec tant de générosité et de bienveillance que personne ne s’y oppose. Si “Les Inassouvis”, dans son contenu, brasse moult motifs (discipline, éducation, folie, art, maternité, monstruosité, émancipation, exil, questionnements identitaires), portés par des errants sans pays (les interprètes sont issus de nombreuses nationalités différentes, ce qui fait la richesse et l’enjeu du spectacle), ce que l’on retient avec le plus d’émotion, ce sont ces scènes de danse de groupe, puissantes, sublimées par des danseuses fascinantes aux visages fardés. Elles sont l’âme et le corps de cette expérience troublante, étrange et tourbillonnante, venue d’un autre siècle, d’un autre temps, dans laquelle on se laisse transporter avec délice. 
 
 
Marie Plantin, Pariscope, 22 novembre 2018
 

Se taire

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 Les Inassouvis, 2018. Crédit photo : Woytek Konarzewski
 
 
Gloire au critique s’efforçant d’exhumer ce que le quidam saurait sans le savoir : qu’il repaisse le lecteur d’une verve couchant l’idéel sur le papier — le créateur lui-même déclarant : tu as éclairé mon inconscient. Or, que dire devant Les Inassouvis d’Elizabeth Czerczuk ? Vaste entreprise d’une libre adaptation de trois pièces de Witkiewicz, écrirait l’esprit informatif conféré à quelque honnête main googlisante. Trilogie inégale, dirait plutôt le critique, tant le Matka déçoit par le côté gala cheap se substituant aux performances hantées que le splendide Requiem pour les artistes éblouit dans une veine très La Classe Morte, et par l’individuation un tantinet bavarde des personnages que le Dementia Praecox 2.0 diffractait avec brio dans une folie baroque que le théâtre contemporain regrette terriblement avec la disparition d’une époque d’avant-garde polonaise… Le même critique aurait agrémenté d’exemples et d’une dithyrambe sur le théâtre au nom de sa directrice, digne maison de fantômes kitsch revue à neuf l’année dernière — la dégringolade d’accessoires bariolée de lumières LED basse qualité rencontrant le portrait du maître Kantor, qui guide continûment Elizabeth Czerczuk aux côtés de Grotowski et Tomaszewski… Mais au fond, qu’importe ? Il faut suspendre sa parole critique pour parler des Inassouvis : car voilà une expérience ineffable à l’intérêt strictement empirique. Ce que j’abhorre souvent au théâtre, je l’ai trouvé ici magnifié : inclusion forcée du spectateur, récital de poncifs théâtraux… Allez savoir pourquoi, je retiens que, ce soir-là, j’ai eu, pour la première fois, des larmes en rentrant dans une salle de théâtre (a-t-on vu une atmosphère plus fracassante ?) ; que, dansant avec plusieurs comédiennes, j’ai conservé, sur le chemin du retour, leur odeur souterraine imbibée sur mes vêtements — celle que la Czerczuk dépose avec finesse sur leurs tuniques défraîchies… À quand le manifeste pour un théâtre odoriférant ? L’on sortira sans aucun doute des Inassouvis comme d’un rêve lugubre : ne fut-ce point, au fond, le désir de Witkiewicz ? Voilà ce qu’il faudrait retenir : Les Inassouvis, oeuvre synesthétique, met en lumière le génie d’Elizabeth Czerczuk ; la meilleure façon de l’encourager serait, quitte à risquer le romantisme, d’en taire les admirables raisons.
 
 
Victor Inisan, I/O Gazette, 20 novembre 2018
 

Les Inassouvis, une expérience unique à vivre le temps d'une soirée

 
Les Inassouvis, 2018. Tous droits réservés.
 

Un hôpital psychiatrique a récemment ouvert ses portes en plein Paris. Ses patients, comme Alberto, Léon ou Matka, vous accueilleront dignement, avant de vous faire entrer dans une folle farandole. Là-bas, qu’ils soient patients, visiteurs ou infirmiers… tout le monde est fou.

Quand on vous parle d’art contemporain, vous vous hérissez. Ça se comprend. C’est une culture à part, assez spéciale, et très certainement pas à la portée de tout le monde. Et pourquoi pas ? Hier soir, on a vécu une expérience qu’on n’oubliera probablement jamais. Alors que, croyez-nous, on est bien loin de regarder Arte le soir.

La première chose à constater lorsque l’on entre dans cette antre mystique, c’est la lumière tamisée qui nous plonge dans une ambiance obscure. Aux murs, des portraits et tableaux. Des mannequins sont éparpillés dans l’espace, vêtus tels des gothiques. Et des objets, dont on ne comprendra l’utilité que plus tard.

L’accueil n’en sera pas moins chaleureux. L’équipe du lieu vous attend dans un bar cosy, avec une grande terrasse extérieure. On vous y propose d’attendre tranquillement le début de la pièce. Jusqu’à ce que deux gardes militaires d’apparence allemande surgissent au pas en hurlant, faisant leur ronde.

Alerte, on les aurait suivi d’instinct si on ne nous avait pas rassuré et invité à rester en place. Parce qu’à partir de cet instant, nous faisons désormais, nous aussi, partie de la pièce. Débarque alors une bande de fous à lier, qui nous prennent par la main et nous entraînent dans ce qui deviendra une danse éternelle.

Ce qui se passe derrière les portes de la salle de représentation reste secret. Pour le découvrir, il faut se rendre au Théâtre Elizabeth Czerczuk, où se joue la pièce Les Inassouvis. Dans cet asile moderne inspiré des écrits de l’auteur polonais Stanislaw Ignacy Witkiewicz, vous deviendrez fou. Personne n’échappe au joug de ses occupants, qui vous feront rire, pleurer, danser…

Cette mise en scène d’Elizabeth Czerczuk traite de bien des troubles émotionnels. Enfance, famille, amour, solitude, ivresse et mort s’entremêlent pendant ces quelques heures. Comme le sentiment d’être bloqué dans le cerveau d’une seule et même personne, que l’on apprend à connaître et parfois même à comprendre. Avant de céder à sa propre folie.

On vous recommande chaudement d’aller constater par vous-même l’ambiance du théâtre, et vivre ce triptyque impressionnant. Un moment hors du temps, hors de la réalité

 
 Lucas Javelle, Le Bonbon Nuit, 18 novembre 2018
 

Artistes à la Folie

 

Au T.E.C, proche Place de la Nation, Elizabeth Czerczuk sonde la face la plus noire de l’âme humaine dans Les Inassouvis, spectacle baroque et chorégraphié. 

Elizabeth Czerczuk aime le théâtre qui ose et creuse dans les tréfonds de l’âme humaine. Sous l’influence de ses maîtres spirituels, Jerzy Grotowski et Tadeusz Kantor, la comédienne et metteuse en scène polonaise le prouve à nouveau avec Les Inassouvis. En fait, cette pièce est composée de Dementia Praecox 2.0, Matka et Requiem pour les artistes, spectacles présentés séparément lors des dernières saisons au Théâtre Elizabeth Czerczuk. Dans le premier, où l’on parle notamment de la souffrance de l’artiste, on croise des personnages, aux yeux exorbités, gestes convulsés et à la démarche de zombies. Habillés dans ce qui ressemble à des camisoles de force, ils tentent d’échapper à leur condition dans un mouvement ultra chorégraphié.

Poupées désarticulées

Car le spectacle, où s’entrechoquent les langues et les rires désespérés, n’est pas seulement un cri ou une plongée dérangeante dans la folie, c’est également un ballet impressionnant de poupées désarticulées.

Celles-ci dansent sur une musique aux accents des pays de l’Est (mais pas que) et invitent le public à y prendre part. Dans le second segment à peine plus apaisé, on retrouve le personnage de Matka, une mère manipulatrice, inventée par le dramaturge Stanislaw Ignacy Witkiewicz (1885-1939), auteur pionnier de la modernité artistique en son pays. Cette femme-monstre a engendré Léon, un fils ingrat et artiste raté. Dans des costumes gothiques, Elizabeth Czerczuk incarne cette mère éplorée, noire puis blanche, comme dans un dernier sursaut de pureté.

« Je suis unique »

Requiem pour les artistes, dernier et impressionnant volet, jette un pont entre le passé et le futur. Avec leurs lourdes valises, les vivants et les morts se retrouvent dans un purgatoire, conséquence de leur existence dissolue. Chacun rêve de s’émanciper et de briser ses chaînes. « Je suis unique », écrit l’un des personnages, comme pour prouver son humanité pleine et entière. Là encore le spectacle, davantage chorégraphié et physique, fait dans le tourbillon mélancolique, hypnotisant et l’uppercut émotionnel. Une radicalité baroque et tragique qui n’exclut jamais. Bien au contraire.

On vous recommande chaudement d’aller constater par vous-même l’ambiance du théâtre, et vivre ce triptyque impressionnant. Un moment hors du temps, hors de la réalité

 
Magali Hamard, L'Officiel des Spectacles, 14 novembre 2018
  

Entre Witkacy et Elizabeth Czerczuk, c’est l’amour polack

 
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Du théâtre qu’elle a aménagé dans le XIIe arrondissement de Paris, une actrice, metteuse en scène et chorégraphe polonaise a fait un antre où l’on croise les fantômes de Kantor, Grotowski ou Schulz, mais d’abord celui de Stanislas Ignacy Witkiewicz dit Witkacy. La preuve par Les Inassouvis.
 
 
Scène de la trilogie "Les inassouvis" © dr Les Inassouvis, 2018. Tous droits réservés.
 
Paris compte désormais une nouvelle enclave polonaise. Tous les amoureux de la Pologne, de ses écrivains et de ses artistes, connaissent la librairie polonaise boulevard Saint-Germain, beaucoup aiment aussi aller fureter à la bibliothèque polonaise sur l’île Saint-Louis, lieu chargé d’histoire où l’on peut assister à des conférences ou encore voir l’exposition permanente et d’autres temporaires. Ils peuvent désormais venir respirer l’air du pays au TEC. Et tous les amoureux des arts du spectacle sont les bienvenus dans ce lieu peu ordinaire.
 
La reine Elizabeth et ses sept danseuses expressives

C’est un théâtre, comme le T du titre l’indique, fondé et dirigé par une créature made in Poland pur jus, EC, Elizabeth Czerczuk. D’ailleurs, le nom de cette créature – plus qu’une femme, c’est une créature en lévitation dans plusieurs époques – se décline partout : sur les marches des escaliers et les palissades de son théâtre, sur les affiches. Elle est au centre de tout et le plus souvent des spectacles qu’elle met en scène et dont elle est l’astre autour duquel tournent des étoiles, en particulier un chœur de sept danseuses (chiffre sacré des contes) formées (elle a aussi ouvert une école) ou transformées par elle en actrices expressives.

Des mannequins au garde-à-vous étrangement parés vous accueillent dans le couloir tenant lieu de hall de cet endroit plus proche de la maison hantée de fantômes que d’un impersonnel théâtre habituel. Deux affiches de Tadeusz Kantor (l’une de La Classe morte, l’autre de Wielopole Wielopole) gardent le bar où la barmaid Anne-Cécile bat des cils en vous servant un excellent Corbières que son caviste favori vient de lui dénicher. A deux pas de là, tutoyant la nuit, se tient un jardin verdoyant où les fumeurs sont les bienvenus. C'est ainsi que, degré par degré, on glisse hors du temps.

Alors, guidés par deux pompiers ou soldats rescapés des premières guerres du XXe siècle, après un arrêt devant une baignoire vide – objet récurrent de bien des spectacles polonais– , on gagne le sous-sol sans fenêtres où, entre des murs noirs, un spectacle inspiré va vous aspirer : Les Inassouvis.

Witkacy, artiste polonais à tout faire

Le titre fait référence à L’Inassouvissement, l’un des grands romans du Polonais Stanislaw Ignacy Witkiewicz dit Witkacy aussi doué pour les romans, les essais, la peinture et la photographie que pour le théâtre. On doit la traduction d’une grande partie des ses œuvres à l’infatigable Alain Van Crugten (ouvrages parus à L’Age d’homme). L’Inassouvissement est un roman où Witkacy met beaucoup de sa vie tout en écrivant un roman d’anticipation où il prévoit, dans les années 30, que les Chinois seront un jour les maîtres du monde.

Dans ses Souvenirs de Pologne, texte écrit dans les années 60, Witold Gombrowicz raconte que Bruno Schulz, Witkiewicz et lui formaient un groupe. Les deux autres ne sont plus là pour étayer ses dires. Witkiewicz se suicida en 1939, lors de l’invasion de la Pologne par les troupes russes et allemandes. Schulz sera tué en 1942 dans une rue, par la Gestapo, de deux balles dans la tête. Gombrowicz, après un long exil argentin, vécut en France où il mourut à Vence en 1969.

De ces trois auteurs, Witkiewicz est sans doute le moins connu en France où on le connaît (un peu) par son théâtre. En Pologne, sa notoriété n’est plus à faire. Ses œuvres peintes, dont celles de sa fameuse firme des portraits, sont exposées dans les musées ; ses photographies, dont bon nombre d’autoportraits cocasses, ont fait l’objet de publication et son théâtre irrigue toute l’histoire du théâtre polonais depuis les années 50. La comparaison est un peu bancale mais on peut dire que Witkacy joua en Pologne un rôle semblable à celui d’Antonin Artaud en France. Tous deux, contemporains, ont écrit des essais sur le théâtre, dialoguant à distance sans se connaître.

Différence notable, Witkiewicz laisse derrière lui une foison de pièces de théâtre. Tadeusz Kantor en a mis (librement) en scène plusieurs, dont Les Cordonniers et La Poule d’eau. L’un des premiers spectacles de Krystian Lupa entrait avec une fougue débridée dans Les Pragmatistes, pièce sur laquelle Félix Guattari devait livrer quelques réflexions.

Une chorégraphie théâtralisée

Rien d’étonnant donc à ce que la polonaise Elizabeth Czerczuk réunisse en les refondant dans Les Inassouvis trois de ses spectacles précédents (soit une représentation de trois heures avec deux entractes), chacun étant très librement inspiré par un texte de Witkiewicz et remodelé : Démentia Praecox 2.0 (d’après Le Fou et la Nonne), Matka (La Mère) et Requiem pour les artistes. Figure récurrente de Witkiewicz et du spectacle, celle de la mère, incarnée par Elizabeth Czerczuk, et dont les sept danseuses sont comme autant de variations et avatars. Elle fait face à des hommes improbables qui apparaissent comme des esclaves ou les mouches du coche. Les costumes, aussi magnifiques qu’extravagants, signés par la Polonaise Joanna Jasko-Sroka ne sont pas pour rien dans le voyage dans le temps où nous entraîne Les Inassouvis

 
Elizabeth  Czerczuk dans "Les inassouvis" © dr Elizabeth Czerczuk dans Les Inassouvis, 2018. Tous droits réservés. 
 

Ce qui unit l’ensemble, c’est une chorégraphie théâtralisée, organisée en tableaux. Y sont récurrents le grotesque bricolé des costumes, les portes coulissantes, les parois pivotantes, les maquillages expressionnistes, les gestes d’automates désarticulés. On y croise aussi des accessoires surprenants comme ce pénis géant, semble-t-il directement inspiré par un dessin de Witkiewicz datant de 1931 et ainsi légendé : « Eulalie préférant une certaine chose dans le style gothique à mort que de la donner à quelqu’un de plus capable dans certaines choses ». C’est peut-être plus encore dans les dessins et les peintures de son auteur fétiche que la metteuse en scène Elizabeth Czerczuk s’inspire. Autre exemple : ce dessin d’un « défilé de masques sous-carnavalesques » datant de 1932 (voir Anna Micińska, Witkacy, la vie et l’œuvre, éditions Interpress-Varsovie). Les mots ici sont presque superflus. Quand ils s’installent, ce qui arrive parfois, le charme s’étiole.

Kantor (dont sont citées les tables d’écolier de La Classe morte) et Grotowski sont pour la directrice du TEC des phares qui l’éclairent, l’un pour le corps, l’autre pour l’espace, sans pour autant chercher à les imiter. « Je ne cherche pas à refaire du Grotowski ni du Kantor mais à inventer un théâtre physique et spirituel qui doit beaucoup à Marcel Marceau [dont elle fut l’élève] et à d’autres artistes dont j’ai eu le bonheur de croiser la trajectoire », explique-t-elle dans le second numéro de la revue publiée par le TEC.

Dans l’héritage décomplexé d’un théâtre gestuel polonais, celui de Józef Szajna (1922-2008) et celui de Henryk Tomaszewski (1919-2001), Elizabeth Czerczuk crée des ambiances à la fois étranges et désuètes, où l’éclairage et la musique originale (Sergio Cruz, Julian Julien et Karine Huet) jouent bien leur partition.

Chaque soir, avant d’entrer en scène, elle songe sans doute à réaliser ce vœu de Witkacy : « En sortant du théâtre, on doit avoir l’impression de s’éveiller de quelque sommeil bizarre, dans lequel les choses les plus ordinaires avaient le charme étrange, impénétrable et caractéristique du rêve et qui ne peut se comparer à rien d’autre. » Il est vrai que le théâtre gestuel du TEC, dans sa clôture et son confinement, ne ressemble à aucun autre.

 
Jean-Pierre Thibaudat, Blog Médiapart Balagan, le blog de Jean-Pierre Thibaudat, 27 octobre 2018
 

Un Rêve halluciné, une Expérience singulière à nulle autre pareille

 

Dans le prolongement des œuvres précédemment créées, Elizabeth Czerczuk invite à vivre avec sa troupe un rêve halluciné, une expérience singulière à nulle autre pareille.    

Etonnant lieu, qui reflète dans sa conception même l’originalité et l’engagement profond de l’art théâtral selon Elisabeth Czerczuk. Une atmosphère rouge grenat, un beau jardin, un bar accueillant, divers objets insolites, dont d’extravagants mannequins… L’attente même du début de la représentation se révèle ici inhabituelle. Bientôt surgissent dans le bar deux militaires casqués inquiétants et grotesques à la démarche saccadée, rejoints ensuite par la vingtaine d’artistes qui composent la troupe. Une assemblée contrastée et saisissante d’aliénés fantomatiques qui nous convoquent dans l’antre du théâtre pour partager un rêve hallucinatoire, une expérience cathartique qui unit dans un même élan tout ce qui la compose. Singulière, cette expérience l’est assurément. Des costumes et maquillages expressionnistes, des mots proférés en plusieurs langues – française, polonaise, hongroise, espagnole, italienne… -, une chorégraphie des corps tout en intensité et contrastes, des relations ambiguës et exacerbées, la mort qui rôde, la vie qui échappe et l’enfance tendue comme un miroir hypnotique : la pièce déploie une succession de tableaux qui pointent la décadence et la mécanisation de l’époque et la nécessité de la création artistique. Si impérieuse qu’elle peut signifier le renoncement à la vie même. Nourrie par les maîtres de l’avant-garde polonaise des années 1950-1970 – Tadeusz Kantor, Jerzy Grotowski, Henryk Tomaszewski -, par l’œuvre de son auteur de prédilection, Stanislaw Ignacy Witkiewicz (1885-1939), l’esthétique singulière d’Elizabeth Czerczuk déploie un art total d’une grande beauté plastique, qui vise à toucher l’âme, à éveiller les consciences endormies.

Un théâtre radical, baroque et hybride

La pièce condense les œuvres précédemment créées : Requiem pour les artistes et son fascinant cortège de morts-vivants, Dementia Praecox 2.0, libre adaptation de la pièce Le Fou et la nonne (1923) de Witkiewicz, et Matka (La Mère en polonais), librement inspiré par la pièce éponyme du même auteur. Les tableaux créés apparaissent parfois abscons, répétitifs, insistants, mais aussi puissamment évocateurs, impressionnants de maîtrise et d’engagement, notamment lorsqu’ils se passent de mots. Le voyage emporte, et on recommande à tous les apprentis comédiens de venir découvrir cet art à part, à la fois dans sa forme et dans sa relation au spectateur. Les objets participent activement à l’élaboration de ce théâtre fondamentalement hybride, on retrouve les pupitres d’écolier de La Classe morte de Kantor, mais aussi des valises, des chaises, des armatures et prothèses exprimant toutes sortes de métamorphoses, obsessions et déclinaisons monstrueuses. Contre une société du divertissement, une « moutonisation définitive » des êtres, ce théâtre radical engage l’être tout entier : les tripes, les émotions et la pensée. L’artiste ici n’est pas un cérébral réfléchissant à une organisation rationnelle, c’est un « gringalet aux nerfs ébranlés » selon les mots de Witkiewicz. Un gringalet sacrément costaud. 

 

Agnès Santi, La Terrasse, 23 octobre 2018

Une Trilogie Ébouriffante

 

C’est dans son tout nouveau théâtre parisien, véritable laboratoire de créativité, qu’Elizabeth Czerczuk, auteur, comédienne, chorégraphe et metteur en scène, présente sa dernière création : une trilogie originale ébouriffante. Une épopée en trois actes, rythmés par une musique originale, qui se composent de tableaux indépendants, mais reliés entre eux par l’esprit des grands maîtres de l’avant-garde polonaise des années soixante à quatre-vingt : Jerzy Grotowski, Tadeusz Kantor, Stanisław Ignacy Witkiewicz.

« Ce spectacle est un manifeste artistique où se confondent la vie et la mort, la haine et l’amour, au sein d’une famille d’individus déchirés par leurs destins. »

D’entrée de jeu, le public est convié à intégrer les différents espaces et à déchiffrer les codes d’une grande parade surréaliste, au cours de laquelle la folie côtoie la beauté dans une chorégraphie époustouflante et délirante.  La création d’Elizabeth Czerczuk, les Inassouvis, est marquée du thème de l’inassouvissement ; ce sentiment oppressant d’un manque désespéré qui renvoie les personnages à la violence de leur propre solitude. Les personnages luttent pour leur objectif sans pouvoir l’atteindre, ainsi que dans l’œuvre de Witkiewicz.

 

Mylène Vignon, Saisons de Culture, 22 octobre 2018

Requiem pour les Artistes : une immersion dans l’univers magique d’Elizabeth Czerczuk

 

Dans ce théâtre-écrin à la décoration très réussie, le spectateur est accueilli au bar par des mannequins de cire qui auraient pu évoluer dans un cabaret des années trente. L’été, l’esthétique sombre et baroque de ce lieu hors du temps est adoucie par la lumière du jour provenant dans la cour-jardin attenante. Avant même le début du spectacle, on est invité à lâcher prise. Plus qu’un simple spectacle, le théâtre Elisabeth Czerczuk offre une expérience esthétique immersive et hors du temps. Du théâtre radical, comme le caractérise sa directrice.

La salle de spectacle est remodelée pour offrir une perspective différente à chaque volet de la trilogie « les Inassouvis » qui se termine avec Requiem pour les Artistes. Pour la représentation de Matka, le deuxième volet, le spectateur était invité à s’asseoir sur les pentes d’une pelouse artificielle. Cette fois-ci, des bancs en gradins ont été placés sur deux côtés de la salle. Le spectacle évolue dans l’espace laissé au centre mais aussi entre les gradins et autour des spectateurs. Les frontières sont effacées, l’expérience immersive se poursuit.

Un groupe de morts-vivants s’égrène, chacun portant son bagage que l’on devine symbolique autant que figuratif. Les costumes baroques, robes à cerceaux, froufrous, lambeaux et cerceaux nus parfois, coiffures superlatives ou crânes nus, visages blêmes et gestuelle de poupées mécaniques, nous renvoient à un monde mystérieux et angoissant dont l’ambiance est soulignée par la musique dramatique. Le spectacle s’exonère de toute dramaturgie, livrant le spectateur à sa seule imagination: si la chorégraphie est travaillée jusqu’à l’expression des visages, le texte, produit de la contribution collective de la troupe, est volontairement irrationnel. Les comédiens déclament des textes de Saint-Augustin, d’Apollinaire ou de Prévert ou tout simplement récitent l’alphabet ; ils s’expriment en anglais, espagnol, turc, hongrois, mandarin, et d’autres langues encore, soulignant ainsi l’universalité de la condition humaine. Il y a beaucoup de tendresse et d’amour dans ces déclamations plaintives, sanglotantes, parfois désespérées, dans ces petites bribes d’histoires tristes et parfois pleines d’humour. Au travers de la gestuelle et la narration, les êtres qui peuplent le purgatoire semblent exorciser leurs douleurs plutôt que subir leur châtiment. Deux cerbères casqués comme des gendarmes anglais semblent apporter un peu d’ordre, tandis que se trémoussent derrière des portes vitrées, des âmes perdues.

Il est délicieux de découvrir du spectacle spectaculaire, d’une grande créativité - - cette fameuse radicalité – sans effets de scène coûteux, ni vidéo projections, ni caméras filmant les visages en gros plan, ni référence aux sujets d’actualité qu’affectionnent les metteurs en scène, mais simplement le fruit d’un magnifique travail chorégraphique, musical et vocal – qui rassemble 18 acteurs, un bras inquisiteur une paire de jambes. Ce spectacle hors normes et envoûtant s’inscrit dans une tradition classique en somme. Laissez-vous emporter, courez-y !

 

Imane Akalay, Lagrandeparade.fr, juillet 2018

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Exubérant et sensuel, comme sous influence d’opioïdes.

Une adaptation chorégraphique de la pièce phare de Witkiewicz : Exubérant et sensuel, comme sous influence d’opioïdes. 

Officiellement, Elizabeth Czerczuk met en scène des spectacles de théâtre. Mais on ne verra chez elle ni Tchekhov, ni Racine, ni Sartre. Ni de quatrième mur. Son univers est celui de Grotowski et de Witkiewicz, pourfendeurs du théâtre psychologique, fascinés par les possibilités du corps.

Issue de la tradition du théâtre polonais du XXe siècle, Czerczuk s’est aussi formée en France, à l’école Marceau et à la Comédie Française, avant d’entamer une collaboration avec Karine Saporta.

Sa trilogie consacrée à Stanislaw Ignacy Witkiewicz est faite de spectacles aussi chorégraphiques que dramatiques. Dans Matka - la mère, en polonais - chaque tableau est placé sous l’enseigne d’un quasi-unisson mécanique, sensuel ou autrement enflammé. Six danseuses forment un corps de ballet surréel, jusque dans un bal macabre décliné en Cancan, comme dansé par des automates.

Dans Matka, Elisabeth Czerczuk donne voix à l’auteur, à travers une conférence étouffée et ironise sur son désir de « forme pure » par un théâtre chorégraphique singulièrement impur. Théories et manifestes de Witkiewicz surgissent de manière quasiment fantomatique. La « forme pure » reste un idéal qui ne cesse de produire le sentiment d’inassouvissement pré-existentialiste dans lequel baigne le couple femme-homme (mère-fils ou autres relations au choix) dans sa perte de la relation au monde.

Baroque, surréel et ténébreux, sur fond de tango contemporain, dominé par le noir et le rouge, Matka tient autant d’Artaud que de Lautréamont, d’une inspiration New Burlesque ou de l’esprit underground du butô d’Akaji Maro. Mais des ténèbres naît une vitalité paradoxale, comme dans une fête des morts à la mexicaine: L’ivresse d’un dernier tango, avant l’effondrement...

Pour suivre cette glissade sensuelle vers l’abîme, le public prend place sur un plan incliné déguisé en pelouse, un peu comme pour une représentation nocturne en plein air.

Mais la salle est bien un sous-sol parisien, dans le XIIe arrondissement, dans une salle librement modulable, où la scénographie s’adapte à chaque création, pour une expérience théâtrale et chorégraphique, irrévérencieuse et unique en son genre. Dans un théâtre à la décoration underground qui a tout pour devenir un lieu culte en soi.

 

Thomas Hahn, DanserCanalHistorique

Matka un objet scénique absolument original

Le culturel ici rencontre la forme du culte. On pénètre l’espace du Théâtre Elizabeth Czerczuk dans une atmosphère, un univers résolument ténébreux et symbolique où les jeux de l’esprit et des sens sont convoqués.
Une ambiance décalée et fantasmagorique qui fait entrer le spectateur dans la pièce avant même de parvenir à la salle. Avec un décorum très poussé, des éclairages suggestifs, l’univers sonore confisqué par un comédien déclamant du Rimbaud, du Beaudelaire, du La Fontaine, on entre directement dans une vision décalée, un rêve, un cauchemar, une fantaisie que la metteure en scène et directrice du lieu à décidé de créer.
Dans la salle, la scénographie et l’installation scénique elles aussi débordent. Du plateau aux gradins tout a été travaillé pour inventer un monde. Sur scène, trois musiciens, différents niveaux de jeu et une série de miroirs sur roulettes qui vont faire évoluer l’espace. Les gradins eux ont été remplacés par une dune en pelouse vert pâle.


Matka signifie mère, en polonais. Mais cette pièce est aussi l’enfant chéri d’Elizabeth Czerczuk qui met en scène et joue. Elle est une ode à un poète multiforme du siècle dernier, Stanislaw Ignacy Witkiewicz. Un drôle de personnage riche de facettes, qui tenta l’aventure d’un théâtre d’avant-garde mais pas seulement. Sa carte de visite aurait porté les mentions suivantes : écrivain, peintre, dramaturge, théoricien de l’art, photographe, soldat dans l’armée du tsar, ethnologue à l’occasion, romancier. Un touche-à-tout exubérant, intellectuel, à moitié philosophe qui finit sa vie en suicide à l’orée de la deuxième guerre mondiale.
C’est cet univers foisonnant, à la fois intellectuel, esthétique et un peu mystique, qui est représenté sur scène. Des danseuses dans des chorégraphies de poupées mécaniques, des costumes démesurés, une permanente partition musicale qui rapproche cette pièce d’un opéra baroque, exalté, excessif. Et c’est cette belle vitalité et ce sens perdu du détail qui fait de ce spectacle un moment incomparable. Avec l’impression parfois d’avoir franchi un siècle pour découvrir un quelque chose comme un théâtre d’art, qui n’existe plus mais dont on soupçonne inconsciemment l’existence. Ce qui fait de Matka un objet scénique absolument original.

 

Bruno Fougniès, Reparts.org

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